Stress - épisode 1
Pfiou... Je sors d'un week-end tendu là. Je ne vous raconte pas. Bon allez si je vous raconte.
Hier matin pour commencer, dès 8h30 ça sentait déjà la poudre. A y repenser, je crois que c'était la poudre des craies du tableau en fait. M'enfin c'était tendu quand même quoi ! Parce que cela annonçait un tableau à nettoyer, des affichages à coller, des cahiers à corriger, etc. Du coup je ne me suis pas trop éternisé dans ma classe. J'ai préféré la poudre d'escampette.
11h30, je sors du taff, l'air de rien. Sauf que si en fait, il y avait quelque chose dans l'air. A mon retour, ça sentait le gaz dans le quartier. En fait c'était encore un coup d'EDF qui prévoit d'augmenter une fois de plus ses factures de gaz. Du coup les gens se parfument au gaz maintenant. C'est trop la classe de nos jours ! Que dis-je, c'est le grand luxe même ! Le Chanel n°5 c'est vraiment pour les pauvres !
14h30, ça sent le sans-plomb cette fois. Attendez, ce coup-ci il ne faut pas abuser. Se parfumer au sans-plomb c'est vraiment se la péter. Font chier ces gens qui exhibent leur richesse au nez de tout le monde, surtout que ça sent fort l'essence !
Et puis ce dimanche après-midi, ça a été le coup de grâce. Après une brève sortie pour m'oxygéner (parce que les vapeurs de craies, de gaz et d'essence, ça va 5min...), j'arrive en bas de chez moi, et là ça sent le KFC. En fait c'était une patrouille de poulets. Mais en général tu fais pas gaffe parce qu'au quartier le passage de la police ça ressemble à la Blitzkrieg. Rapide, efficace. Ni vu ni connu. Que même Sam Fisher de Splinter Cell il devrait prendre exemple. Je vous jure, le top du top de la discrétion. Même pas le temps de voir quoi que ce soit. Ni gyrophare, ni rien. En général, les mecs déboulent à quatre dans une voiture, armés de gilets pare-balles, tonfas, armes de poing, tasers, menottes, arbalète wookie et même sabre laser. Ils arpentent toute la rue, font demi-tour, et se barrent.
C'est la grande attraction pour les petits du quartier. Faut dire qu'ils viennent que deux fois l'an, les deux jours où il se passe rien. Ils doivent avoir des indics dans les tours de béton. "Hey les gars, aujourd'hui personne ne traîne, pas de mecs en scoot sans casque, pas de quad, pas de baston... donc vous pouvez passer tranquillement, mais en speed quand même, ok ?"
Sauf que là, l'indic il avait pas vu le truc venir je pense. En fait, ça a été le petit détail imprévisible. L'incident bête.
Pour résumer, la bagnole de flics entamait déjà son demi tour lorsqu'elle a grillé un petit papier qui déambulait sur la chaussée. A voir sa démarche, il avait l’air un peu imbibé. Les pluies acides de la région ça te défonce, t'as vu ! Du coup la voiture s'arrête et les quatre mecs en uniforme lui demandent ses papiers. Sauf que le comble, c'est que le papier avait pas ses papiers. Un papier sans-papier, t'imagines ?
Non mais faites un effort pour suivre sérieux, après c'est intéressant. Il y a du suspense, une histoire d'amour et tout... Enfin non mais c'est pas ça l'important de toute manière.
Bref, les mecs commencent à le harceler de questions, mais le papier les calcule même pas, se contentant de virevolter de gauche à droite en jouant avec le vent. Croyez moi, les flics ont pas aimé qu'il fasse le mariole de la sorte. Du coup ils l'ont plaqué au sol. Mais il continuait à les provoquer en disant qu'il était un papier important et que l'on avait pas intérêt à le froisser. Bha les flics ils n'en ont pas tenue compte. Rien à foutre de ce papier plus bavard que buvard. Ils ont sorti les menottes, les lui ont passé, ont vu qu'il était trop fin pour les garder, les ont rangé, puis ils ont crié très fort sur lui de dépit.
A ce moment là, le papier a crié encore plus fort et s'est débattu jusqu'à s'arracher un coin tout seul. Du coup, il a pestiféré qu'il porterait plainte pour coup et violence. Alors les flics ont marmonné que ce maudit papier à petits carreaux les obligeait à la jouer serré. Et puis, plus ils le regardaient, plus ils se mettaient à stresser. Faut dire qu'ils n'avaient pas encore remarqué tous les percings du papier furibond. Une série de trous circulaires lui courant sur tout le côté gauche. Aucun doute désormais, le papier faisait partie du gang des classeurs.
Finalement ils ont encore marmonné un truc sur la trace rectiligne rouge qu'il avait du même côté que les trous, un truc du genre "marge" ou "marginal", enfin je sais plus mais un truc comme quoi il était en marge de la société. Je pense même qu'à un moment donné ils ont essayer de lui coller une étiquette, genre post-it. Honnêtement, ça l'aurait stigmatisé de se ballader avec cette étiquette à la vue de tous, non ?
Au final, ils ont lâché l'affaire, et puis le petit papier par la même occasion, et ils sont repartis comme ils étaient venus, le tonfa entre les jambes.
Bref, comme je vous le disais, c'était tendu ce week-end. Comme tous les autres week-end au quartier en somme...
Est-ce le monde qui façonne nos valeurs, ou nos valeurs qui façonnent ce monde ? Une seule chose est sûre, ce monde part sévèrement en couille. Les gens sont en stress. Les doutes autant que les difficultés les assaillent. J'aimerais bien en partager quelques unes avec vous ici, avec la distance qui s'impose pour arriver à en parler. Après un premier essai fourre-tout et "brouillon" (what else pour un papier de toute manière ?), je retenterai le truc avec des sujets plus précis pour les prochains épisodes. A suivre donc...
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